Interview Hasni Abidi: « Une alliance maghrébine est indispensable, c’est une obligation qui incombe à nos dirigeants. »

A l’occasion du Forum MEDays 2018, Hasni Abidi, Chercheur et Directeur du CERMAM – Centre d’Etudes et de Recherche du Monde Arabe et Méditerranéen – partage ses réflexions sur l’initiative de rapprochement entre l’Algérie et le Maroc et s’exprime sur l’urgence de voir se concrétiser une alliance maghrébine et africaine dans le cadre des défis géopolitiques et sécuritaires mondiaux.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien ou visualisez l’interview vidéo ci-dessous :
Sa Majesté le roi Mohammed IV a proposé à l’Algérie d’entamer un dialogue direct et franc? Que représente cette main tendue? Et pensez-vous que l’Algérie y répondra positivement?
C’est une première dans l’histoire des relations entre le Maroc et l’Algérie et aussi au Maghreb, une initiative louable qui a été initiée aussi par la société civile pour traverser les difficultés et les divergences entre les deux états et bâtir l’avenir de façon sereine. Il faut absolument construire une passerelle entre les deux pays, entre les deux peuples; les défis économiques, sécuritaires et politiques sont telles qu’il n’est pas possible qu’un seul état n’est pas en mesure d’en faire face.
Ce qui existe entre l’Algérie et le Maroc est beaucoup plus important que certaines divergences de circonstances.
C’est la raison pour laquelle je me félicite et me réjouis de cette initiative qui vient à point nommé, et je pense aussi que du côté algérien, il y a des forces vives qui sont prêtes à faire de même et à réponde d’une manière positive pour essayer de travailler ensemble pour un espace commun. Ce qui existe entre l’Algérie et le Maroc est beaucoup plus important que certaines divergences de circonstances et on doit avoir la sagesse de part et d’autre de les circonscrire et passer à autre chose.
Une alliance maghrébine pourrait-elle pallier aux défis sécuritaires de la région et à la menace terroriste
Une alliance maghrébine est indispensable; ce n’est pas un luxe, c’est une obligation qui incombe à nos dirigeants, c’est une demande populaire, c’est un défi énorme. Non seulement il s’agit d’une intégration régionale qui pourrait vraiment soutenir les économies des deux pays et qui est en mesure de consolider les acquis démocratiques réalisés de part et d’autre. C’est aussi une forme d’immunité contre la menace terroriste, contre les fluctuations sur le plan économique et social et contre la menace en matière d’environnement.
Une alliance maghrébine est indispensable; ce n’est pas un luxe, c’est une obligation qui incombe à nos dirigeants, c’est une demande populaire.
Aussi car nous sommes dans un monde en effervescence; on a bien vu l’échec et l’affaiblissement de l’approche multilatérale qui est chère à l’Algérie et au Maroc, on a aussi des fluctuations sur le plan politique régional, les crises au Moyen-Orient, les secousses du printemps arabe, la crise qui secoue les pays du Golf, une nouvelle administration américaine, le populisme qui gagne nos partenaires (…) Evidemment nous avons des voisins comme la Libye, la Tunisie, la Mauritanie qui ont des difficultés internes; ainsi seul une locomotive de l’Afrique du Nord représentée par l’Algérie et le Maroc est en mesure de relever ces défis, parce qu’un état seul n’est pas capable d’en faire vraiment un chantier et une priorité. Les deux forces sont appelées à travailler ensemble.
Pensez-vous que de nouvelles alliances vont se former dans les pays du Sud face à l’unilatéralisme du Président Trump?
Oui c’est important car le Maroc est en avance sur d’autres pays en matière de relations avec certains pays africains, l’Algérie aussi au sein de l’Union Africaine et ensemble avec les autres pays du Maghreb, l’Afrique du Nord peut réfléchir sur une nouvelle relation et une nouvelle approche avec les pays africains pour constituer un ensemble d’intégrations et bien sûr une alliance, et c’est tout à fait possible.
L’Afrique du Nord peut réfléchir sur une nouvelle relation et une nouvelle approche avec les pays africains pour constituer un ensemble d’intégrations et bien sûr une alliance.
Nous sommes à la veille d’une rencontre importante l’été prochain, le Sommet des Deux Rives à Marseille, qui va donner une voix à l’Afrique du Nord. On se réjouit de cette initiative française qui va finalement limiter les partenaires de l’Europe méditerranéenne au 5 + 5 (…) les pays du Maghreb devront être les représentants légitimes des inquiétudes, des angoisses et des questionnements qui sont en cours en Afrique car l’Afrique sub-Saharienne constitue le prolongement et aussi la profondeur sécuritaire et géopolitique de l’Afrique du Nord.